Soirée bière et popcorn [PV Jake]

Jill sortit un bol de l’armoire et y versa le popcorn encore chaud. Elle en prit une petite poignée qu’elle engloutit en quelques secondes. Ça c’était le paradis! Elle jeta le sac maintenant vide à la corbeille et se retourna pour prendre son bol de popcorn avant d’aller mettre un film dans le lecteur DVD. Elle stoppa net son geste et sentit son cœur s’arrêter quelques secondes. Jake Lawrence se trouvait dans sa cuisine, une bouteille de vin à la main, demandant bêtement si elle avait une coupe. Elle ouvrit légèrement la bouche, trop surprise pour répondre. Son cœur battait la chamade, du à la surprise et aussi car elle ne pouvait se cacher qu’elle éprouvait quelques sentiments pour l’homme. Son regard s’assombrit alors.

-T’es complètement malade! On débarque pas chez les gens comme ça! J’en veux pas de ton vin, retourne chez toi!, s’emporta-t-elle alors subitement.

Elle secoua la tête, n’arrivant pas à croire que les événements qui se déroulaient étaient réels. Ce ne pouvait être qu’un mauvais rêve. Mais la tête de son ancien client et maintenant collègue, une bouteille de vin à la main et un sourire sur les lèvres ne pouvaient pas être un rêve. Elle grogna avant de saisir son bol de popcorn et se diriger vers son salon, ignorant carrément son collègue de travail. Elle attrapa son peignoir en passant près de la salle de bain et le revêtit, ne se sentant pas à l’aise aussi peu vêtu face à l’homme qui lui faisait des avances chaque fois qu’il le pouvait, c'est-à-dire tout le temps! Dire qu’à peine quelques minutes plus tôt, elle se trouvait sous la douche. Ses cheveux encore humides en était la preuve. Elle préférait ne pas songer à la réaction qu’elle aurait eue s’il avait débarqué dans la salle de bain. Dérangé comme il pouvait l’être parfois, il aurait très bien pu se déshabiller et entrer dans la douche avec elle.

Elle posa son bol sur la table basse et s’installa sur le sofa, sa bière à la main, et se mit à regarder la télé obstinément. Il finirait bien par partir un jour et la laisser tranquille. Il le devait. Elle ignorait combien de temps elle pourrait résister à ses avances. En lieu public, c’était beaucoup plus facile que dans un endroit aussi privé que son appartement.

Jill garda les yeux fixement sur le téléviseur, bien qu’elle ne voyait ni les images qui y passaient, ni n’entendaient les sons. Elle voyait l’homme qu’elle détestait à aimer de plus en plus la suivre jusqu’au salon et s’installer près d’elle. Elle savait qu’il pouvait être tâche parfois, mais il dépassait vraiment les limites ce soir-là. Elle aurait voulu le repousser de nouveau, avec plus d’ardeur que la première fois, mais elle craignait un peu qu’il ne finisse par cesser son jeu de charme. Après tout, elle appréciait bien.

-Il faudrait peut-être que je te prenne en pitié, dit-elle sur un ton très calme. Si tu t’ennuies dans ta grande maison, achètes-en une plus petite ou achète toi un chat!

Elle porta sa bouteille de bière à sa bouche et en prit une gorgée, faisant toujours mine de regarder les nouvelles télévisées. Elle croyait vraiment, naïvement, qu’il cesserait de parler et qu’il quitterait tout bonnement son appartement. Mais bon, il en remettait encore et toujours. Sa question la surprit cependant, elle ne s’attendait pas à ce qu’il lui demande la raison de son refus à ses avances aussi directement. Pour elle, c’était un peu comme du bluff de sa part. Elle ne croyait pas qu’il pouvait être sérieux dans ce qu’il pouvait lui dire. Après tout, il flirtait avec les étudiantes et toutes les femmes qu’ils croisaient. Pourquoi devrait-elle croire que, avec elle, cela était plus sérieux? Elle fronça imperceptiblement les sourcils, légèrement hésitante. Probable qu’il ne le remarque pas.

-Ça ne m’intéresse pas comme sujet…

Alors non, elle n’allait certainement pas lui dire qu’elle le repoussait obstinément car elle le trouvait de plus en plus charmant et qu’elle doutait de pouvoir résister à lui encore longtemps. Elle ne pouvait pas non plus lui dire qu’elle ne voulait tout simplement pas souffrir inutilement dans une pseudo relation où seule elle pourrait ressentir vraiment quelque chose. Et il y avait également sa carrière, son petit bébé. Sa réputation en prendrait un sale coup si on apprenait qu’elle était liée intimement à un bandit reconnu. Elle pouvait toujours jouer la carte des fausses apparences avec l’Université et sa tendance à ne prendre que des dangereux criminels comme clients, mais une relation intime… L’art de tuer une réputation et une carrière en très peu de temps.

Elle prit une autre gorgée de sa bière et se pencha vers la table basse pour prendre le bol de popcorn qu’elle avait déposé un peu plus tôt. Si elle avait la bouche pleine, elle ne pourrait parler, et il se lasserait. Elle savait que c’était vain comme espoir, mais elle avait faim!

Jill se renfrogna légèrement. Comment faisait-il pour toujours avoir une réplique toute faite qui lui sortait de la bouche? Elle le savait qu’il n’était pas allergique aux belles humaines, c’était justement ça le problème! Mais elle restait toujours silencieuse. Cela ne lui ressemblait pas vraiment, et elle savait que Jake le réalisait. Elle était du genre beaucoup plus loquace habituellement, surtout lorsqu’elle se trouvait à la cour, ouvrant toujours la bouche pour tenter de discréditer l’avocat adverse. Elle craignait cependant de trop en dire, qu’une phrase ne sorte pas exactement comme elle le voudrait.

Portant de nouveau sa bouteille de bière aux lèvres, elle réfléchissait à toute allure. Il lui disait clairement qu’il partirait si elle buvait du vin avec lui. Il était évident que son idée était de lui faire perdre ses moyens, même qu’un tout petit peu, et de tenter quelque chose avec elle à ce moment. Elle savait qu’elle réagissait bien à l’alcool, habituellement. Elle était fatiguée et elle sentait déjà ses quelques gorgées de bière lui descendre directement dans les jambes. Elle secoua doucement la tête avant de soupirer. Bien qu’il soit très tâche parfois, Jake était tout de même un homme de parole, avec elle du moins. S’il disait qu’il partirait, il partirait. Et accepter une coupe avec lui fausserait un peu les données sur le pourquoi des distances qu’elle mettait avec lui.

Elle tourna la tête subitement vers lui et fronça les sourcils en constatant qu’il regardait, sans gêne, son décolleté visible sous son peignoir mal fermé. Elle empoigna la bouteille de vin brusquement et se leva, déposant sa bouteille de bière sur la table basse.

-Une coupe et tu disparais!, lança l’avocate sur un ton froid mais pas méchant, un peu distant.

Elle se dirigea vers la cuisine et profita de sa nouvelle solitude pour ouvrir son peignoir quelques secondes. C’est qu’il faisait chaud là-dessous. Elle ne pouvait dire si c’était la présence de Jake ou s’il faisait réellement chaud dans l’appartement. Ses joues étaient brûlantes. Elle espérait qu’elle n’était pas complètement rouge. Elle soupira et sortit deux coupes avant de déboucher la bouteille de vin d’une main experte. Elle jeta un œil à l’étiquette et retint de justesse un sifflement admiratif. Il n’avait pas apporté une bouteille bon marché, c’était certain. Elle remplit les deux coupes et, après avoir pris une grande respiration, revint au salon. Elle posa la coupe de l’homme sur la table basse, ne voulant pas lui donner en main proche, craignant qu’il trouve un moyen de profiter de la situation.

-Voilà, on prend du vin. Satisfait?, dit-elle d’un ton las en reprenant place sur le sofa, mettant une certaine distance entre eux.

Lentement, la coupe de vin de Jill se porta à ses lèvres. Il ne pourrait pas dire qu’elle était de mauvaise foi. En plus d’avoir ouvert la bouteille et accepter qu’il reste chez elle un moment, elle goûtait même à son vin. Elle ne prit qu’une petite gorgée, se disant qu’elle devait y aller mollo sur l’alcool, surtout avec Jake à ses côtés sur le sofa. Elle jeta un œil à sa coupe tout en haussant légèrement les sourcils. C’était un très bon vin. C’était la première fois qu’elle le goûtait et elle appréciait, malgré la situation entourant sa dégustation.

L’avocate sursauta presque à la question, ou plutôt à l’exclamation, de l’homme qui lui demandait si elle avait peur de lui. Elle haussa les yeux vers lui, se demandant s’il plaisantait encore, mais comprit à son regard grave qu’il était sérieux. Elle fronça les sourcils. Les distances que Jillian tentait de mettre entre lui et elle lui faisait croire qu’elle avait peur. S’il n’avait pas posé de questions, elle aurait été satisfaite qu’il le pense. Mais comme il avait posé la question à haute voix, elle n’avait pas d’autres choix que de le corriger. Par orgueil, elle ne pouvait pas laisser croire à quelqu’un qu’elle avait peur d’un criminel.

Évidemment, comme le directeur parlait toujours trop, il continua en précisant qu’il n’avait jamais fait de mal à une femme. Non, à une femme qui ne l’avait jamais attaqué ou qui n’était pas une tueuse. Donc, il avait déjà fait du mal à une femme. Si sa mémoire était bonne, lors du procès qui les avait réunis, il était toujours marié. Il n’avait peut-être jamais fait de mal physiquement à une femme innocente, mais c’était autre chose du niveau psychologique. Elle craignait surtout cela. Elle n’avait pas peur qu’il la blesse physiquement.

-Non, tu ne me fais pas peur. Même lorsque tu agis étrangement ou que tu pénètres par effraction dans mon appartement. Cela m’en prend bien plus pour être effrayée.

Elle n’était pas tout à fait sincère, mais il était difficile de le dire puisqu’elle semblait très sûre de sa réponse. Elle savait parfaitement bien cacher ses sentiments et ses craintes lorsque le moment était venu. Elle savait cependant qu’il ne se satisferait pas d’une telle réponse. Elle venait de lui dire qu’elle n’avait pas peur de lui, alors il voudrait savoir pourquoi elle mettait une certaine distance entre eux. C’était la raison de sa visite après tout, elle le savait bien.

Nonchalamment, elle prit une autre gorgée de sa coupe, ouvrant un peu son peignoir, sans pour ôtant laisser suffisamment de peau visible pour le regard voyeur de Jake. Le vin, la conversation et l’homme qu’elle appréciait de plus en plus contribuaient à ses bouffées de chaleur qui la prenait.

-Je croisé l’agent Connors au tribunal cet après-midi. Il m’a dit qu’il détenait de nouvelles preuves contre toi. Il bluffait, évidemment, mais j’ose espérer que je serais au courant si tu avais manigancé quelque chose, n’est-ce pas?, dit-elle d’un ton calme pour tenter de faire dévier la conversation.

Jill resta silencieuse lorsque Jake lui dit qu’une des raisons pour laquelle il était entré par effraction était qu’il ne voulait pas la réveiller si elle dormait déjà. Elle retint un grognement. Elle aurait encore moins apprécié d’apprendre qu’il était entré chez elle pendant qu’il dormait. Il en aurait profité pour l’observer pendant qu’elle dormait, voir même venir s’installer dans le lit avec elle. Elle savait qu’il était capable d’agir ainsi, surtout qu’il était évident qu’il avait déjà consommé de l’alcool avant de se présenter chez elle.

Elle ne manqua pas de noter son changement d’expression lorsqu’elle évoqua l’agent Connors. Elle savait très bien que Jake ne pouvait pas tolérer cet homme qu’il considérait comme responsable de ses malheurs. Il semblait oublier parfois que le bon dans cette histoire était l’agent du FBI. Un criminel ne serait jamais le bon dans une histoire, sauf dans la sienne. Elle ne savait pas si elle devait être rassurée ou non qu’il lui dise qu’il manigançait toujours quelque chose et qu’elle ne devait pas s’inquiéter pour lui.

-Justement, c’est ce qui m’inquiète, murmura-t-elle en prenant une gorgée de son vin.

Elle osait croire qu’il la mettrait au courant qu’il planifiait quelque chose de gros, quelque chose qui pourrait le mettre en péril ainsi que l’université. Car s’il coulait, beaucoup coulerait avec lui, dont l’université et l’avocate. Elle voulait à tout prix éviter cela.

Jill avait détourné la tête vers le téléviseur un moment, se disant qu’elle devrait l’éteindre puisqu’ils ne le regardait pas, lorsque Jake s’emporta de nouveau et lui demanda de lui parler sincèrement. Elle posa son regard sur lui, étonnée. Elle ne comprenait pas pourquoi il s’emportait ainsi. Elle croyait avoir compris qu’il avait subitement changé le sujet de la conversation pour revenir vers ce flirt qu’il tentait toujours d’avoir avec elle. Encore une fois, elle ne comprenait pas pourquoi cela l’importait tant. Ce n’était qu’un simple flirt, non? Elle n’osait pas en douter, de peur de se faire avoir et de souffrir inutilement.

Elle fit un mince sourire à l’homme et posa sa coupe sur la table basse, sans s’emporter. Ce n’était pas le moment de jouer les indifférentes ou de tenter de changer encore le sujet de la conversation. Elle se pencha vers lui pour lui retirer la coupe des mains.

-Je crois que tu as assez bu pour la soirée Jake. Je vais aller te chercher un oreiller et une couverture et tu dormiras sur le sofa, dit-elle d’une voix douce.

Un peu inconsciemment, Jill s’était attendue à cette réaction de la part de Jake. Une partie d’elle ne savait que trop bien qu’il ne voudrait pas lui laisser sa coupe sans ne rien faire. Il ne pouvait tout simplement pas ne pas profiter du fait qu’elle se trouvait aussi près de lui pour ne pas tenter de l’embrasser. Elle ne le repoussa pas, ni ne l’encouragea, bien que son cœur se mit à battre un peu plus vite. Il était sous l’influence de l’alcool, c’était la raison de ses agissements. Elle n’était pas naïve à ce point. Le baiser ne dura pas longtemps et elle ancra son regard dans le sien, quelque peu surprise tout de même. Il semblait nerveux, ce qui n’était pas courant chez lui. Il se releva en s’excusant et en disant qu’il allait partir puisqu’il avait trop bu. Jill glissa sa main contre sa nuque et soupira avant de se lever à son tour.

-Tu n’as pas à t’excuser voyons. Tu es sous l’influence de l’alcool. Il est donc normal que tu n’agisses pas comme tu le voudrais. C’est pour cette raison que tu dors sur mon sofa ce soir. Je n’ai pas envie de voir ton nom sur les gros titres des journaux demain matin pour une idiotie que tu pourrais faire. Et tu n’as pas ton mot à dire. Tu ne bouges pas pendant que je vais te chercher un oreiller et une couverture.

Elle le regarda sévèrement, comme le regard d’une mère à son enfant turbulent, même si son regard était tout de même gentil. Une petite lueur à peine visible éclairait son regard lorsqu’elle le regardait, avant qu’elle ne disparaisse dans sa chambre à coucher. Elle se dirigea vers son garde-robe pour y sortir une couverture. Elle glissa sa langue sur sa lèvre inférieure, comme si elle voulait goûter de nouveau à ce baiser trop rapide que le criminel lui avait donné quelques minutes plus tôt. Si seulement les choses pouvaient être différentes. Mais non. Elle était qui elle était et il était qui il était. Il était venu ici dans l’espoir de combler sa solitude, probablement désespéré de ne trouver personne d’autre. Elle n’aimait pas cette idée, mais elle ne pouvait concevoir que les choses pouvaient se dérouler autrement dans la tête de l’homme.

-Tu veux une ou deux couvertures?, demanda-t-elle d’une voix forte sans sortir de sa chambre, tentant d’étirer le plus longtemps possible le prochain face à face avec l’homme.

La présence soudaine de l’homme dans la chambre avec elle fit presque sursauter Jill. Elle oubliait souvent qu’il était un criminel, qu’il savait se déplacer rapidement et sans bruit. Malgré cela, elle admirait sa façon de faire, bien qu’elle savait qu’elle ne le devrait pas. Elle ouvrit la bouche, littéralement bouche-bée par la déclaration d’amour qu’il était en train de lui faire. Elle se demandait si elle était en train de rêver, ou si elle était en plein cauchemar. Ce ne pouvait être que l’alcool qui le faisait parler ainsi, même s’il semblait dire le contraire. Elle tentait de s’en convaincre. Cela serait tellement plus facile si ce n’était que l’alcool et le désir de ne pas se retrouver seul. Se serait plus facile pour elle, pour tenter de contrôler ce qu’elle pouvait ressentir.

Il ressortit aussi rapidement qu’il était arrivé de la pièce, lançant l’avocate immobile, une couverture dans les bras, au milieu de la chambre. Elle avait encore la bouche légèrement entrouverte sous la surprise. Elle la referma, sentant ses joues s’enflammées. Elle serra la couverture contre elle, incapable de se donner le courage nécessaire pour sortir et rejoindre Jake. Il semblait se trouver dans la cuisine. Jill pensait à toute vitesse, essayant de trouver les bonnes paroles pour gérer cette situation délicate. Elle ne pouvait tout simplement pas lui dire qu’elle ressentait la même chose! C’était juste… impensable…

Elle entendit alors l’homme lui dire qu’il ne désirait qu’une seule couverture, ce qui la fit sortir de ses pensées. Il semblait désormais se trouver au salon. Elle hocha la tête, bien qu’il ne pouvait pas la voir faire, et referma la porte de son garde-robe pour se diriger vers son lit et prendre un oreiller. Elle se dit qu’elle n’aurait pas du le forcer à rester, même si cela était la seule solution.

Elle réalisa alors qu’elle tremblait, littéralement. Elle cessa ses mouvements un moment, se pinçant les lèvres fortement et prenant une grande respiration. Elle ignorait si elle pourrait parler, sa gorge étant complètement nouée. Elle était littéralement en train de perdre ses moyens et elle détestait cela. Réalisant qu’elle n’arriverait pas à se contrôler, elle ferma les yeux et compta jusqu’à dix dans sa tête. Faisant dos à la porte, elle n’entendit pas Jake revenir dans la chambre. Ce n’est que lorsqu’elle sentit qu’elle avait assez de courage pour aller le rejoindre avec les effets qu’elle lui apportait, qu’elle réalisait qu’il était là. Instinctivement, elle respira profondément et retint son souffle.

« Je te le redirais demain si c’est vraiment ce que tu souhaites. »

Elle déglutit silencieusement et expira lentement. Son regard resta accroché quelques instants à celui de Jake. Il n’y avait que la couverture et l’oreiller qu’elle avait dans les bras qui les séparait, et également plusieurs centimètres.

-Tu me le rediras demain, finit-elle par dire dans un murmure sans le quitter du regard.

Elle sentait qu’elle était sur le point d’exploser et de pleurer toutes les larmes de son corps. Son regard restait quelque peu distant, mais elle ignorait combien de temps elle résisterait encore avant de se laisser complètement aller. Elle ne voulait pas le faire devant lui, évidemment. Elle tendit les bras pour qu’il saisisse la couverture et l’oreiller, sans faire un pas dans sa direction. Façon de lui indiquer qu’il valait mieux cesser la conversation pour le moment.

[c’est vraiment pas long, tu vois moi aussi je fais court parfois tss … mais je voulais te laisser le temps d’agir comme tu veux lol]

Les secondes qui s’écoulèrent entre les dernières paroles de Jill et le moment où Jake sortit de la chambre semblaient prendre une éternité pour la femme. Elle avait bien remarqué dans son regard que quelque chose n’allait pas. Est-ce qu’il s’attendait vraiment à ce qu’elle lui dise que ses sentiments étaient partagés? Depuis le temps qu’ils se connaissaient, il avait dû remarquer qu’elle n’avait jamais été du genre à étaler ses sentiments sur la place publique, qu’elle était plutôt du genre réservé.

Lorsqu’il sortit de sa chambre, elle referma doucement la porter derrière lui. La main toujours sur la poignée, elle posa sa tête contre la porte et soupira, la gorgée toujours nouée. Elle avait l’impression d’avoir du mal à respirer, que l’air était incapable de passer à cause du nœud dans sa gorge. Elle se redressa lentement et retira son peignoir, qu’elle laissa tomber sur le sol, avant de fermer la lumière et de se diriger vers son lit. Elle se coucha sur le matelas, ne prenant pas la peine d’entrer sous les couvertures, fixant obstinément le plafond qu’elle ne pouvait pas réellement voir vu l’obscurité de la pièce. La bouche entrouverte, Jill tenta désespérément de respirer normalement, sans y parvenir. Les tremblements la reprirent alors et elle éclata en sanglots. Elle se tourna rapidement pour étouffer ses pleurs dans son oreiller. Pourquoi est-ce que c’était aussi compliqué? Il valait peut-être mieux qu’elle quitte l’université, qu’elle s’éloigne de Jake. Mais elle était incapable de faire cela, elle était incapable de penser correctement, sachant que l’homme qu’elle aimait de plus en plus se trouvait dans la pièce d’à côté. Elle finit par s’endormir, épuisée.

Elle se réveilla le lendemain matin, un rayon de soleil glissant sur son visage. Jill ouvrit un œil puis le referma aussitôt. Elle avait un de ses maux de tête! Elle gémit de douleur et se redressa lentement. Elle mit quelques secondes à comprendre pourquoi elle n’était pas sous les couvertures et qu’elle avait aussi mal à la tête. Son cœur se serra en songeant à Jake qui se trouvait dans la pièce voisine, peut-être déjà réveillé. Sans faire de bruit, elle se leva et s’approcha de la porte. Elle posa son oreille contre elle et, n’entendant aucun son, elle l’entrouvrit doucement. L’homme semblait toujours dormir. Toujours sans bruit, elle sortit de la chambre et se dirigea vers la salle de bain.

Son visage dans la glace lui fit peur. On aurait dit qu’une venait de passer une semaine sans dormir. Les traces de larmes séchés et ses yeux bouffis ne l’aidaient pas à bien paraître. Après avoir verrouillé la porte, elle ôta sa nuisette et entra sous la douche. Cette dernière lui ferait le plus grand des biens, elle le savait. Elle lança l’eau chaude glissée sur son corps un long moment, tentant de ne penser à rien, sans succès. Elle se demandait comment elle devrait aborder le criminel. Elle ne savait pas ce qui l’effrayait le plus : qu’il lui redise qu’il l’aime alors qu’il n’était plus sous l’influence de l’alcool ou qu’il ne le fasse pas.

Après une vingtaine de minutes sous l’eau, sentant celle-ci refroidir de plus en plus, elle ferma le débit d’eau et sortit. Elle s’essuya et remit sa nuisette puisqu’elle n’avait pas pensé apporter d’autres vêtements avec elle. Elle ouvrit la porte, la serviette dans les mains pour éponger ses cheveux, et tomba face à face avec Jake. Elle se figea et ouvrit la bouche, surprise. Elle ne s’attendait pas à le voir là.

-Euh… Ça fait longtemps que tu es là?, fût les seules paroles qui sortirent de sa bouche à cet instant.

Le regard de l’avocate se durcit légèrement à la réponse de l’homme. Elle n’appréciait pas qu’on lui parle sur ce ton. Elle se dit qu’elle devait cependant être compréhensive. Il était clair qu’il avait consommé beaucoup d’alcool la veille avant de se présenter chez elle, donc il ne devait pas être dans une forme à tout casser. Lorsqu’il la contourna et entra dans la salle de bain, Jill retourna à sa chambre pour s’habiller. Elle hésita un moment pour les vêtements à porter. Avec Jake, elle portait toujours des vêtements de «travail» : jupe, pantalon-tailleur, blouse. Mais le samedi, elle délaissait ce genre de vêtements. C’était étrange pour elle de voir des vêtements comme lié à une certaine intimité avec les autres. Elle considérait que ses vêtements de «travail» lui permettaient de prendre une certaine distance avec les autres autour d’elle. Elle finit tout de même par choisir un jean et un tee-shirt blanc.

Elle se dirigea ensuite vers la cuisine, où elle retrouva son collègue de travail. Elle hésita quelques secondes avant d’hocher simplement la tête, comme si elle acceptait sans ne rien dire ses excuses. Il lui semblait de plus en plus évident qu’il ne se souvenait pas de tout ce qu’il avait pu dire ou faire. Ses craintes se concrétisèrent lorsqu’il sortit sa télécommande de son pantalon. Elle saisit la télécommande en fronçant légèrement les sourcils. Si c’était comme ça qu’il tentait d’attirer son attention… Elle tentait de garder un visage le plus impassible possible, sans le rendre trop sérieux. C’était mieux ainsi, qu’il ne se souvienne pas de ce qu’il lui avait dit, qu’il ne se souvienne pas qu’il lui ait dit qu’il l’aimait. C’était l’alcool qui devait le faire parler, cela devenait de plus en plus évident. Elle n’aurait pas apprécié qu’il se sente mal à l’aise d’avoir dit ses paroles et d’ensuite devoir les retirer. Bon, c’était elle qui se sentirait quelque peu mal à l’aise d’avoir pu croire à leurs véracités, mais tant qu’il ne le savait pas…

-Ce n’est rien voyons. Je n’allais tout de même pas te laisser partir et attirer inutilement l’attention sur toi. Ce n’aurait pas été prudent.

Elle posa la télécommande sur le comptoir et s’éloigna un peu de Jake, arrivant à peine à se contenir devant son regard clair posé sur elle. Est-ce qu’il réalisait seulement à quel point son charme pouvait avoir un effet sur elle? Il était probable que non. Elle sortit deux tasses tout en lui demandant s’il voulait un café. Elle lui tournait le dos tandis qu’elle sortait la bouilloire électrique et le café instantanée, évitant ainsi le contact visuel durant un moment tout en ayant l’air d’agir parfaitement normalement.

-Tu te souviens de quoi exactement de la soirée d’hier?, demanda-t-elle sur un ton qui sonnait presque désintéressé alors qu’elle déposait du café dans le fond des tasses.